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Le projet autrichien de «mur» antimigrants au col du Brenner exaspère l'Italie

Franchi chaque jour par 40.000 véhicules, le passage le plus fréquenté entre le sud et le nord des Alpes pourrait être soumis à des contrôles drastiques. Rome accuse Vienne de « violer les règles européennes ».

 

Une barrière métallique de 2,5 à 4 mètres de haut, longue de 370 mètres, barrant l'autoroute et la voie ferrée et protégée par 250 «Bundespolizei» (policiers) et par un millier de réservistes de l'armée autrichienne: c'est le nouveau mur qui menace de diviser l'Italie et l'Autriche au col du Brenner, par 1374 mètres d'altitude.

 

Sous la pression d'une extrême droite virulente qui a remporté dimanche dernier la première manche de l'élection présidentielle, le gouvernement de Vienne a promis de mettre à exécution son projet, formulé en février dernier, d'ériger un mur pour barrer la route au flux de migrants qui, débarqués en Italie, cherchent à rejoindre l'Europe du Nord. L'Autriche en a accueilli l'an dernier 90.000 (pour une population de 8 millions d'habitants) et s'est promis cette année d'en refouler au moins les deux tiers.

Matteo Renzi accuse Vienne de «violer toutes les règles européennes» et promet d'en saisir Bruxelles: «ce mur va contre l'histoire, contre toute logique, contre l'avenir», affirme-t-il. Hors de question, comme le demande le gouvernement du chancelier autrichien Werner Faymann, de tolérer que des policiers autrichiens opèrent des contrôles «préventifs» en territoire italien, dans les autobus, les camions et les trains faisant route vers la frontière. Pour Arno Kompatscher, président de la province autonome du Haut-Adige, mitoyenne de l'Autriche, «ce mur signe la mort de Schengen. Le Brenner est le symbole de l'unification européenne, de soixante-dix ans de paix et de bien-être économique et social. En dénaturant ce symbole, on court le risque de défaire l'Europe.»

 

« L'Europe n'a pas besoin de politiques qui conduisent à fermer des frontières et menacent Schengen »

Dimitris Avramopoulos, commissaire européen aux Migrations

 

L'émotion et la condamnation sont unanimes dans la communauté internationale. À Vienne, Ban Ki-moon a dénoncé hier devant le Parlement autrichien l'adoption par les pays européens de «politiques incroyablement plus restrictives pour les migrants et les réfugiés politiques» et rappelé «l'obligation de chaque pays membre à respecter le droit international humanitaire». Le pape François parle du mur du Brenner comme d'«une triste réalité». Dans une lettre envoyée à Vienne, le commissaire européen aux Migrations, Dimitris Avramopoulos, affirme que «l'Europe n'a pas besoin de politiques qui conduisent à fermer des frontières et menacent Schengen». Le patriarche de Venise, Mgr Francesco Moraglia, déplore que la politique se révèle «impuissante à gérer les flux migratoires». Le seul en Italie à se réjouir de la construction de cette clôture est le leader de la Ligue du Nord, allié à Marine Le Pen, Matteo Salvini: «l'Autriche fait bien de protéger ses citoyens», affirme-t-il.

Le Brenner est un axe vital pour l'Italie: 40.000 véhicules par jour et 29 millions de tonnes (MT) de marchandises par an en font le couloir de communication le plus fréquenté des Alpes. Loin devant Vintimille (17 MT), Tarvisio (15 MT) et le tunnel du Fréjus (10 MT). On a calculé que les TIR - les camions de transport international par route - l'empruntent à raison d'un toutes les sept secondes. Contraindre les poids lourds à passer sous des scanners thermiques pour déceler d'éventuels clandestins reviendrait à paralyser le trafic et créer des embouteillages monstrueux. Immobiliser un camion revient au minimum à 60 euros par heure pour le transporteur. Le nouveau président du patronat italien, Vincenzo Boccia, s'en est ému: «La fermeture du Brenner sera un coup dur pour notre économie, susceptible de compromettre la reprise.»

Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne, en parlera le 5 mai à Rome avec Matteo Renzi. Il se dit «gravement préoccupé» et annonce que la Commission évaluera à la loupe toute mesure prise par Vienne.

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